Le Haut-Karabagh est de nouveau à feu et à sang.
Depuis près de 8 jours, des combats ont opposé l’Arménie et l’Azerbaidjian. Séparatistes contre armée régulière. Chaque jour les combats s’intensifient. Mortier, roquettes, explosifs. Hier, Stepanakert, ville principale de la région, et seconde du pays derrière Bakou, a été privée un temps d’électricité. Des centaines de civils se terrent dans les caves, les sous-sols. La crypte de la cathédrale Sainte Mère de Dieu s’est transformée en bunker où Dieu est prié chaque minute avec la dévotion la plus absolue.
Immédiatement, la diaspora arménienne a inondé les réseaux sociaux de photos de soldats, de drapeaux et d’icones chrétiennes afin de soutenir leur pays d’origine face à l’Azerbaidjan. De Décines à Moscou en passant par Berlin et Beyrouth, la solidarité et l’élan patriotique ont été unanimes dans cette communauté née du terrible génocide de 1915. La presse française et les éditorialistes ont semblent-ils choisi leur camp puisque notre pays possède une importante communauté arménienne particulièrement structurée et active.
Le poids des communautés en France pose depuis longtemps un problème dans le traitement de l’information et la vie démocratique. Les « ethnosophiste » parfois animés de tendres et sincères motivations, usent de tous les stratagèmes pour convaincre, à mille lieues des faits, l’opinion française. En charentaise à Paris mais toujours plus royalistes que le Roi. C’est donc à toute la corporation journalistique et universitaire de ne pas tomber du Mont Ararat de la déraison pour rester dans l’information et les faits les plus tangibles.
Une prise de recul est donc nécessaire pour analyser une situation qui mérite discernement et perspective historique.
Car jusque là personne, ou presque, n’aurait été capable de mettre le nom « Haut-Karabagh »ou de « Nagory-Karabagh » sur une carte. Cette petite enclave montagneuse située en territoire azéri mais peuplée en majorité d’Arméniens est depuis une zone de tension depuis l’effondrement de l’URSS et l’indépendance de ces républicaines caucasiennes du bloc soviétique. Erevan revendique depuis le début ce territoire. Comme très souvent au XXème siècle, les états s’étant détachés d’empires multiethniques n’ont très souvent pas pris en compte le principe des nationalités et d’importantes minorités se sont retrouvés de l’autre côté de frontières étatiques artificielles. Les Hongrois continuent de pester sur la
France et Trianon en faveur de leurs compatriotes coincés en Serbie et en Roumanie. Seulement dans un Caucase réputé turbulent et guerrier, la situation s’est rapidement militarisée. En 1988, l’Arménie et l’Azerbaidjian se sont affrontés dans les massifs escarpés, au milieu des civils, pour aboutir à un cessez-le-feu hasardeux et fragile. L’hostilité séculaire entre ces deux peuples arrachés à l’Empire perse au XVIIIème siècle se polarisa sur cette région. Erevan la revendiqua en s’appuyant logiquement sur ces
habitants composés à 95 % d’Arméniens sur les mauvais traitements dont ils auraient été victimes. Les Azéris répondirent avec violence en s’attaquant à leurs adversaire partout où ce fut possible. Fin 1989, Bakou opéra un blocus ferroviaire empêchant l’acheminement de denrées alimentaires essentielles pour une Arménie fragilisée par un tremblement de terre meurtrier un an auparavant. Il fallut l’intervention de l’armée russe après de terribles émeutes à Bakou pour que les esprits se calment. Des populations arméniennes furent transférés de force vers l’Arménie et Moscou. Au total le conflit fit 30 000 morts et
entraîna une rancoeur tenace d’Erevan qui devait faute de règlement définitif aboutir à ce nouveau conflit dans une région qui n’en avait pas vraiment besoin.
Immédiatement, et pour une fois, Paris, Moscou et Washington ont demandé un cessez-le-feu. Moscou, qui possède de bonnes relations de longue date avec Bakou, soutient la chrétienne Arménie en sous-main.
L’autre acteur devenu incontournable dans la région est la Turquie. Istanbul, contrairement, aux conflit syrien ou libyen a soutraité militairement envoyant des mercenaires syriens sur place. En confortant le caractère religieux, dans une région traditionnellement imperméable à ce type de dérive, Ankara joue
encore avec le feu. La Turquie en profite également pour écorcher cette Arménie qui continue à se battre pour la reconnaissance de ce génocide qui fit lui perdre plus d’ un millions d’enfants. Ankara continue de nier les faits. Ces tensions se déplacent au grès des migrations et on ne compte plus les altercations en région lyonnaise où le monument place Antonin Poncet est régulièrement détérioré. Déjà mise en mal à l’Organisation des Nations Unies sur le dossier chypriote, Erdogan, en satrape local, garde la capacité de faire dégénérer la situation. De nombreuses manifestations d’extrême-droite en Europe se sont par ailleurs déclenchés en soutien à l’Arménie, davantage par esprit de croisade que par panache caucasien. Mais aujourd’hui les réseaux sociaux et les médias déplacent les conflits et accentuent les malheurs. En théorie, les frontières de chaque états doivent être respectés faute de créer une escalade des tensions dans une région où se trouvent la Russie, l’Iran, la Turquie ou encore l’Irak et la Syrie ! Il est bien entendu logique que le droit des peuples à disposer d’eux même reste fondamentale mais il ne peux s’accompagner d’une guerre larvée ou de violences dont les civils arméniens du Haut-Karabagh sont les
premières victimes. Comme le nationalisme et le chauvinisme se diffusent à la vitesse de l’éclair dans les deux opinions, la solution ne pourra venir que de l’extèrieur. Mais une réponse juste, équitable et logique pour les habitants de la région. Sans cela, ce problème de 30 ans pourrait être repoussé indéfiniment. Dans ce Caucase fier et guerrier, où la poésie calme l’âme des braves, un vieux poème arménien déclame que « personne ne sait si la lumière brûlera jusqu’à demain ». Il le faut pourtant, trop de temps a déjà été
perdu inutilement. Tant de morts en vain.
Affûté, à l affût, merci pour cet éclairage sur cette petite région qui m était inconnue. Je note que ce sont toujours les mêmes qui trinquent, i.e. civils qui n ont rien demandé.
Merci beaucoup pour votre commentaire ! En effet ce sont toujours les petits qui trinquent … au plaisir de vous lire.