Islam et islamisme au Makhzen

24 et 28 ans. C’est l’âge qu’avaient Louisa Versterager et Maren Ueland. Elles étaient jeunes, belles, pleines de vie et ouvertes sur ce monde à la fois sublime et cruel. Venues de Norvêge, ces deux sportives de l’extrême, habituées aux marches en altitude ont perdu tragiquement la vie, lâchement égorgées. Une décapitée. Leurs corps ont été trouvés à Imlil, un site touristique proche de Marrakech, le long d’un chemin menant au sommet enneigé de Toukbal. Cette région, réputée pour son tourisme, accueillait chaque année des milliers de randonneurs essentiellement venus d’Europe du nord ou du Royaume-Uni. Les quatre hommes suspectés du meurtre sont des islamistes. Selon Rabat, ils auraient prêté allégeance à l’État Islamique dans une vidéo.

Pourtant le royaume chérifien est resté longtemps moins touché par les groupes islamistes que les autres pays d’Afrique du nord.

Ces voisins, plus ou moins lointains d’ailleurs, ont subi plus profondément la montée de l’islamisme radical. L’Algérie en a payé un lourd prix entre 1991 et 2001 avec 120 000 morts. L’Egypte qui a vu naître sur son sol en 1928 le parti islamiste des « Frères musulmans » s’est fait assassinée un Président, Sadate en 1981. Après le Printemps arabe, c’est « le Frère » Morsi qui est arrivé au pouvoir pour quelques mois. L’activité de ce mouvement reste encore très présente au pays des Pharaons comme il est en Tunisie ou en Libye.

Le Maroc reste un cas différent. Historiquement, l’opposition vient de la gauche et de l’entourage royal.

Les partis socialistes et communistes se sont longtemps opposés au roi, viscéralement anticommuniste. Et ils en ont souvent payé le prix fort.

Le leader historique de la gauche marocaine Medhy Ben Barka en reste le symbole. Figure mondiale du tiers-mondisme, le professeur de mathématique de 45 ans est arrêté devant la brasserie Lip à Saint Germain des Prés par la police française le 29 octobre 1965 … on ne le revit plus. Quelques jours auparavant une rencontre opposant Roger Frey, ministre de l’Intérieur et le colonel Ahmed Dlimi avaient scellé son sort.

Le deuxième opposant fut jusqu’à la fin des années 70, l’armée, qui tenta deux coups d’étatdont l’attentat des aviateurs le 16 août 1972 . L’armée royale fut drastiquement épurée par le roi.

Dans les années 1970, les islamistes de Chabiba Islamiya d’AbdelkrimMoutii ont bien pointé le bout de leur nez. Ils firent parler d’eux avec des attentats sur des leaders de gauche, dont Omar Benjelloun assassiné en 1975. Très implanté dans les campus universitaires, le mouvement fut rapidement démantelé par la police marocaine. C’est la seule structure de ce type depuis l’indépendance.

Le principal obstacle à l’islamisme est Mohammed VI. Descendant par tradition de la dynastie du Prophète Mohammed, le souverain chérifien est avant toute chose le Commandeur des croyants. L’islam marocain est un islam d’état,. Les partis peuvent débattre des questions économiques, sociales voire sociétale mais ne contredisent jamais le courant officiel, l’islam malékite dirigé par le Roi. Ils restent dans les clous.

L’attachement viscéral des marocains à leur souverain est étroitement lié à son rôle religieux, laissant peu de place à un islamisme venu de l’extérieur. Pour autant, l’islam reste particulièrement conservateur au sein de la population où des questions telles que l’apostasie, la chasse au sanglier (présent dans le Rif ou le Moyen-Atlas) ou le port du voile restent sensibles. Mais point question de charia pour autant. Tout ce qui vise à contester le pouvoir du roi est arrêté in-fine.

Deux partis, cependant, se revendiquent d’une orientation religieuse, avec des desseins très différents. Le principal parti n’est autre que le parti au pouvoir, le Parti de la Justice et du Déloppement. Ce mouvement dirigé par le chef du gouvernement, le psychiatre SaâdeddineAl Othmani a été en créé en 1997. Composé, en effet, d’islamistes repentis et de libéraux, cet UDF sauce est assez proche des démocrates-musulmans de Houellbecq et ne se revendiquent pas des dérives fascisantes du FIS algérien ou des « Frères » tunisiens… et le roi veille.

Le mouvement le plus radical est nommé « Justice et Spiritualité créé en 1973 par le Cheikh Abdesslam Wassim. Déjà emprisonné trois ans, cet ancien pédagogue de niveau international est également le leader charismatique d’un mouvement inspiré de la révolution iranienne revendiquant près de 100 000 membres. Non légal mais autorisé, tous ces militants sont étroitement surveillés en atteste le descente de police organisée en 2006 au siège national visant à récupperer le listing de ces membres.

De plus le Maroc est le territoire qui comporte de toute l’Afrique du nord, le plus de Berbéres (environ 45% de la population). Concentrés dans les massifs de l’Atlas et du Rif, ils ont été islamisés tardivement. Ces populations sont très rétives à tout mouvement politique ou religieux originaire de la péninsule arabique qu’ils considèrent comme une énième tentative de colonisation.

Car le Maroc a également eut son lot de larmes et de sang. Les attentats de Casablanca le 16 mai 2004 avec ses 45 morts puis l’attentat de Marakech en 2011 qui fit 17 morts ont été très douloureux. Plusieurs cellules dormantes ont depuis été découvertes au Maroc dans les années 2000. Les inégalités économiques et sociales criantes dans le pays, les immenses bidonvilles de Casablanca et Marrakech et une alphabétisation imparfaite ont créé un vivier important pour les prédicateurs de tout genre.

De plus depuis une dizaine d’années, les binationaux sont devenus un formidable bassin de recrutement pour les djihadistes. La majorité des terroristes à Madrid en 2011, de Paris ou de Bruxelles sont des enfants de ces émigrés marocains venus travailler en Belgique, aux Pays-Bas ou en France dans les années 60. Déscolarisés, parfois passés par la case prison, ils se sont radicalisés dans « leur » pays mais restent à tout moment susceptibles de passer et de contaminer le pays de leur aieux. Le quartier de Moleenbeck, tristement célèbre pour avoir vu grandir les assassins du Bataclan, comporte une très grosse communauté rifaine.

Le roi a donc mis les bouchées doubles. Les années 2000 furent l’objet d’un grand remaniement dans l’appareil judiciaire et policier au sein du royaume.

Aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire que les autorités marocaines ont peut-être les services de renseignement les plus performants de tout le monde arabe. Conseillé par les experts américains, israeliens et français, leur alliés de toujours, ils s’appuient sur un réseau d’indicateurs très performant et une communication efficace entre les services intérieurs et extérieurs.

La DGST (direction générale de la surveillance du territoire) et le BCIJ (bureau central d’investigations judiciaires) travaillent à l’intérieur du territoire marocain pour prévenir les menaces terroristes. Ils travaillent avec la DGED (direction générale des études et documentation) sur les ressortissants à l’étranger. Le tout sous l’oeil aiguisé du souverain et de Mostefa Sahel, son conseiller spécial. Les services marocains ont notamment joué un rôle central lors de la traque des tueurs du Bataclan.

Les expatriés sont également devenus un enjeu pour le Makhzen. Le 6 novembre 2005, est créé un Conseil supérieur des Ressortissants marocains à l’étranger. Le but est de faire du lobbying dans les pays d’installation mais également de contrôler des biens illicites entrant sur le territoire marocain comme de surveiller les Marocains d’Europe.

Le Maghreb, nœud entre Nord et Sud, est plus que jamais un enjeu fondamental pour les Occidentaux, autant sur les questions migratoires, comme l’a montré les récents accords de Marrakech, que pour l’antiterrorisme. La gestuelle américaine en faveur d’une réconciliation entre Marocains et Algériens a été très claire à ce sujet.

Or dans ce monde si instable, personne ne peut prétendre endiguer seul des intégrismes sans frontières, ni adresse fixe. Le triste sort de ces Norvégiennes est là pour nous tenir d’avertissement. Regarder le monde avec chaleur, mais les yeux ouverts.

Sans aveuglement.

Saint-Augustin au Club des Pins.

Ce 8 décembre 2018 est une date importante dans le débat intereligieux. Pour la première fois de l’histoire, des Chrétiens seront béatifiés en terre musulmane. La basilique Santa Cruz d’Oran va voir s’élever au rang de « bienheureux  » 19 religieux catholiques assassinés durant la « décennie noire » dont les tristement célèbres moines de Tibhirine.

Car le christianisme en Algérie c’est une longue histoire…

On sait peu de choses de l’introduction du christianisme à Carthage comme dans les villes côtières d’Afrique du nord. Plusieurs saints se disputent l’évangélisation tels que Pierre, Simon le Cananéen ou Marc. Cependant l’existence de communautés juives à Volubilis, Carthage ou Oea laisse envisager comme l’écrivait l’historien André Mandouze, la présence de communautés chrétiennes dans ces villes, bien avant les campagnes de conversions organisées par les envoyés de Rome.

Le christianisme s’implante en fonction de la romanisation comme toujours. La conversion de Constantin fait le reste. Mais le christianisme est essentiellement concentré sur les côtes, loin des territoires montagneux ou semi désertiques du sud. De cette époque de cette région l’un des plus grands penseurs chrétiens tous siècles confondus, l’un des quatre Père de l’Eglise (avec Grégoire, Jérôme et Ambroise) le fils d’un décurion romain et d’une berbère convertie, femme illégitime…Augustin d’Hippone (actuelle Annaba).

Un universalisme en remplaçant un autre, les invasions arabes et l’islamisation de la région ne laissent pas de place à un christianisme qui s’est peu appuyé sur le monachisme comme ses cousins coptes pour maintenir une emprise sur les populations berbères. Hormis quelques communautés au nord de l’actuelle Tunisie, on ne retrouve plus aucune trace d’un christianisme maghrébin de type allogène au XIVème siècle.

Bien entendu, c’est la conquête française qui marque le retour du christianisme en terre algérienne (l’état-nation n’existant pas rappelons-le en 1830). En 1838, le diocèse d’Alger se crée et le consistoire protestant en 1839. Ordre est donné au départ de ne pas des populations que l’on ne veut pas « brusquer ». Quelques conversions vont s’effectuer, soit de manière insidieuse, soit par attrait, mais elles sont rares, essentiellement concentrées en Kabylie. En réalité, la religion cristallise les communautés. La culture fataliste et mystique des « indigènes »- le mektoub- et leur absence de vision politique à moyen terme, va enfermer ces populations essentiellement rurales dans un triptyque identitaire insoluble: « langue orale, sexe et religion » comme le décrit l’historien Daniel Rivet.

De l’autre côté, on observe chez les populations européennes une rechristianisation de la part d’individus parfois très éloignés de la religion dans leur région d’origine. Hobereaux du sud-ouest, communards de 1870, optants d’Alsace-Moselle en Kabylie puis plus tard Levantins, Catalans, Suisses romands, Napolitains ou Maltais, toutes ces populations sont confrontées comme tout pionnier à un quotidien de dure labeur dans un environnement qu’ils jugent hostiles. Le retour vers le Christ est vécu comme un marqueur identitaire fort. On recherche moins, il est vrai, l’aventure spirituelle. Un catholicisme « ultramontain » et « ultramondain » que l’on aperçoit tous les dimanches à l’heure où bourgeoisie et petit peuple sortent ensemble des magnifiques Notre Dame d’Afrique ou Santa Cruz d’Oran. Religion nationale en trompe d’œil pour un monde qui jusqu’en 1960 n’a rien d’uniforme. Lire les témoignage de l’écrivain et résistant  » pied-noir » Claude Roy, de son passage de séminariste à militaire, c’est comprendre toute une société à travers ses institutions. Certains prêtres jouent également un rôle politique de première. L’abbé Lambert est le maire emblématique d’Oran: pro-franquiste dans une ville essentiellement composée d’Espagnols puis vichysto-résistant.

Arrive la guerre d’Algérie. Elle déchire les Chrétiens comme l’ensemble des Français. Avec peut-être plus d’intensité. Les chrétiens progressistes nommés vulgairement « cathos de gauches » sont les piliers de l’anticolonialisme. Bien sur on retrouve des trotskistes, des communistes et des républicains sincères mais aucun groupe n’a eu la même intensité dés le début que ce courant philosophique. En 1951, Claude Bourdet écrit « Y’a-t-il une Gestapo française » dans « France Observateur » pour critiquer les interrogatoires musclés de la police algéroise. Qu’ils se nomment André Mandouze ou Henri-Irénée Marrou, Michel Rocard ou Georges Montaron, ils s’engagent en faveur des insurgés algériens à travers « Esprit », « Témoignage chrétien », contre la torture mais aussi plus « physiquement » dans les réseaux Jeanson.

De l’autre côté, une partie de l’Eglise se radicalise. L’anticommunisme et l’esprit de croisade ravivent les « vieux démons » de Vichy à Alger comme à Paris. Les Sidos repointent leur nez pour un « Ordre nouveau ». Le légendaire « Capitaine Conan » de la France Libre , Pierre Château-Jobert, cadre de l’Organisation Armée Secrète termine ses jours à Morlaix, sa ville natale, dans le catholicisme traditionaliste. Saint Nicolas de Chardonnay, point névralgique de la Fraternité Pie X, loue en son sein une plaque à la mémoire des « Soldats de l’Algérie Française ». Tout est dit.

Au sein de la hiérarchie algérienne, le débat est d’une rare violence: d’un côté, les partisans d’un maintien de l’Algérie comme département français. L’Archevêque d’Alger, Léon-Etienne Duval, de son côté, prend fait et cause pour le F.L.N.. Les « Ultras », peu avares de surnom saugrenu (« Bensoussan », « la grande Zohra »), lui affuble celui de « Mohammed Duval ».

Certains officiers de l’armée française illustrent leur foi d’une autre manière. Hubert de Séguin Pazzie et Jacques Paris de Bollardière refusent de torturer en chrétien, en militaire et en Français.

Depuis 1962, les choses ont changé. Dés la conférence de la Soummam, les dirigeants du Front de Libération Nationale ont été clairs sur l’identité de la « nouvelle Algérie »: elle est socialiste et musulmane. « La valise ou le cercueil » emporte aussi « sa » croix: peu de Chrétiens restent sur place. D’ ailleurs, on ne retrouve aucun Juif ou Chrétien dans les divers gouvernements pas même, le dernier maire d’Alger, le libéral Jacques Chevallier resté en Algérie après l’indépendance. Sa fille, l’historienne Corinne Chevallier vit encore sur Alger aujourd’hui…

Nombres de Pères blancs, Jésuites, bonnes sœurs vivent dans la « nouvelle Algérie ». Ils font du social, s’occupent des plus pauvres-en ville comme à la campagne. Ils se s’intègrent au tissu local. Ironie du sort, au moment où Houari Boumédiène, en s’appuyant sur des clercs formés en Egypte, opte pour l’arabisation dans les écoles, l’élite envoie ces enfants dans les écoles catholiques tenues par les Pères Blancs et les Jésuites. L’école des Jésuites d’Alger accueille les enfant d’Hydra comme le petit frère du Président Boumédiène. Actuellement, le président des Anciens élèves de l’école n’est autre que… Said Bouteflika. Hypocrisie quand tu nous tiens.

Les années noires, de 1991 à 2001, sont des années tragiques pour les chrétiens d’Algérie. La majorité des Français, et des chrétiens, rentrent en métropole. Ceux qui acceptent de rester sont la cible de ce fascisme vert. Dans la nuit du 26 au 17 mars, le Groupe islamique armée-branche militaire du Front Islamique du Salut- enlèvent 9 moines cisterciens à Tibhirine dans la région de Médéa. Malgré toutes les tentatives faites par Paris-via son maître-espion Philippe Rondot- et le Vatican, ces hommes qui jusque là avaient soigné des combattants du GIA comme ils soignaient les populations locales avec lesquels ils vivaient en harmonie, sont exécutés. Cette tragédie a beaucoup marqué les Français et les Chrétiens en général. Les moines sont enterrés à Tibhrine selon les vœux des responsables locaux. Le 1er août 1996, c’est autour de l’évêque d’Oran Pierre Claverie, originaire de Bab-el-Oued, d’être assassiné lors d’un attentat.

Aujourd’hui les catholiques seraient 45 000. Essentiellement, des fonctionnaires étrangers plus quelques familles européennes installées de longue date. Depuis les années 2000-2010, les rapports sont ambigus entre le christianisme et l’état musulman. La béatification de 9 décembre est plus qu’un symbole, tant les relations « Eglise catholique et Algérie » sont crispés. Les VISAS pour les prêtres catholiques sont complexes à obtenir. La géopolitique locale et le poids de l’islamisme dans la région sont une première raison que l’on ne peut épargner. En février 2007, les wilayas (préfectures), en application d’une directive venue d’Alger, ont invité les catholiques à quitter le pays en raison de menaces d’Al-Qaida au Maghreb. Mais les raisons sont plus larges que cela. Face à un pouvoir hégémonique, toute contestation qui plus est « menée » par une religion minoritaire apparaît pour le gouvernement comme une tentative ouverte de déstabilisation. En janvier 2008, Pierre Wallez, un prêtre, est condamné à un an de prison avec sursis pour y avoir célébré une messe de Noël avec des migrants subsahariens. Mais le cas des catholiques apparaît presque comme un épiphénomène tant les rapports apparaissent compliqués et tendu avec d’autres courants religieux.

Car, aujourd’hui le renouveau du christianisme n’est plus dans le catholicisme vieillissant. Depuis une quinzaine d’années, les églises évangéliques pullulent en Kabylie. Une région qui pose énormément de problèmes à Alger depuis l’indépendance. Berbérophone, autonomiste voir plus… Une région que la colonisation française a toujours regardé d’un autre œil, en surjouant la dichotomie « arabe-berbère ». Une région qui s’est révoltée a de nombreuses reprises comme en 2001 avec son « Printemps berbère ». Alors quand la région de Tizi-Ouzou, et à un degré moindre de Bejaia et d’Oran, voit ces conversions à l’évangélisme augmenter, le pouvoir voit rouge. Ils seraient aujourd’hui entre 50 et 100 000 fidèles aujourd’hui répartis en une dizaines de chapelles. La religion musulmane interdisant l’apostasie, sentiment qui s’est décuplé avec l’influence de la salafiya, ces transferts de religion sont très mal vus par la population. Le gouvernement a radicalisé son discours et fait multiplier les arrestations. Un directeur et un enseignant accusés d’avoir utilisé une salle de classe pour faire de l’évangélisation ont même été radiés de l’Éducation nationale. Mais les mesures ont aussi touché l’Église catholique, dont la  présence discrète n’avait jamais posé problème. Une paranoïa s’est installée au niveau de l’Etat.

Le fonctionnement bien particulier de ces évangélistes n’arrangent rien. Pratiquant, comme les franc-maçons le culte du secret, ces nouveaux croyants ne laissent guère  transparaître leur appartenance à telle ou telle église. Les messes se font dans des villas privées à l’abri des regards. Ces églises apparaissent à la fin des années 80 parallèlement aux intégristes islamiques. Des prédicateurs français mais surtout américains commencent à arpenter le pays mais également le monde entier tant le phénomène touche des contrées aussi différentes que le Brésil, l’Afrique de l’ouest ou la Chine. Sponsorisées par des fonds américains, les églises évangélistes créent une véritable angoisse. Plus profonde que sur une simple question spirituelle.  Car ces églises aiment communiquer, se montrer. Elle sont clairement prosélytes. Il existe plusieurs chaînes de télévision et radios chrétiennes évangéliques. Comme Al-Hayat, diffusée par satellite et qui émet depuis Chypre. Ou bien encore Radio kabyle, une station de Trans World Radio (TWR), une organisation évangélique basée aux États-Unis qui a pour objectif de « faire connaître le Christ au monde grâce aux médias de masse celle d’une éventuelle balkanisation de l’Algérie comme en Irak, non plus via une intervention militaire mais par des églises américaines téléguidées par la C.I.A. De manière plus sournoise, en appuyant sur le point sensible du pays: la Kabylie. Diviser pour mieux régner. Face à un phénomène qu’il a du mal à gérer, l’état réprime. Le 16 mai, Nourdine un habitant de Tiaret, près d’Oran a été condamné à verser 10 000 dinars à l’état. Soit cinq fois le salaire de base mensuel en Algérie. Son méfait? Avoir été arrêté lors d’un barrage routier, non pas avec 3 kg de drogue dans sa voiture mais trois… bibles!

Comme la France, les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Empire ottoman l’ont connu en leur temps, les périodes de crise politique comme économique sont propices à la suspicion et à l’instrumentalisation. Le christianisme, présent depuis la colonisation, mais ultra-minoritaire dans un pays où l’islam est religion d’état, n’a pas bonne presse bien qu’il soit toléré. Mais l’apparition de ces évangélistes, prosélytes dans une région instable, cachée une bannière étoilée plus ou moins claire, créé des amalgames qui n’arrangent pas les choses dans un pays si fragile comme nous l’avons vu  dans nos derniers billets.

Alors future situation à la syrienne ? Pas d’emballements mais attention l’histoire n’est jamais écrite d’avance. Beaucoup de pays se pensant stable sont tombés dans les ténèbres quelque soit la porte empruntée.

Mais « Madame d’Afrique » trône toujours au dessus de Saint-Eugène sous le regard plein de bienveillant et routinier des Algérois.

Pour combien de temps ?