Algérie, le « virus » de la politique

En réalité, seul le Coranavirus semble avoir eu la peau, pour le moment de l’Hirak. Vendredi, pour la première fois depuis plus d’un an, la mobilisation n’aura pas lieu, afin d’éviter les risques. L’Asie, l’Europe, le Mexique tous semblaient avoir été touchés par ce désastre sanitaire. L’Afrique, par cette triste fatalité de l’histoire contemporaine, n’y échappe pas. Si on retourne au temporel, les raisons d’un énième rassemblement n’ont pas changé. Encore moins l’élection présidentielle. Au contraire, elle a consolidé ce mouvement civique et pacifique. L’ancien premier ministre Abdelmadjid Tebboune, âgé de 74 ans a bel et bien été élu au premier tour le 12 décembre 2019 avec 58,12 % des votes. Les opposants peuvent bien crier au scandale démocratique puisqu’ils ne se sont pas déplacés, mais force est de constater que leurs cris de colère, justifiés ou non, n’a pas eu l’écho contesté. 10 % de votants semblait être une mascarade selon eux, puisqu’ils n’avaient pas été voter comme pour prétendre que derrière leurs pas, c’était l’Algérie entière qui manifestait. Or c’est bel et bien 40 % des citoyens algériens qui se sont déplacés. Dans un pays où 20 millions d’habitants ont un compte Facebook sur 40 millions de personnes, le selfie avec un mégaphone et un drapeau comme pour un match des Fennecs n’est pas suffisant pour renverser un régime. Le virtuel n’est pas le réel.

Aujourd’hui de plus en plus d’ouvrages sortent sur l’Hirak, par d’éminent spécialiste du pays comme Benjamin Stora. Les travaux reposant sur des données scientifiques, sont souvent tournés en sa faveur, afin d’étudier ce mouvement, comprendre cette jeunesse et dézinguer l’Etat FLN et sa mythologie nationale. Ce récit, que nous connaissons également chez nous, fait encore consensus dans une grande partie du pays. Et comme la remise en question, où l’orgueil mal placé, sont une tradition locale, ni le pouvoir, ni l’opposition ne semble rebattre ses cartes afin de gagner durablement la partie. Où faire gagner l’intérêt du plus grand nombre.

Ce que n’ont pas compris les partisans pacifiques de l’Hirak c’est que leur pays reste un territoire rural, marqué encore par la guerre civile. La population est attachée à son armée populaire dont les soldats sont leurs fils et petits-fils et non des étudiants en sciences humaines. Pasolini n’aurait pas dit mieux.

Le pouvoir n’est pas parfait vu des douars. On connaît le népotisme, les fraudes, le chômage des neveux partis en ville. On ne parle même pas de la corruption. Mais lorsque l’on voit le bazar en Libye, au Mali ou plus loin en Syrie, on préfère toujours ce régime autoritaire à un régime libéral dans lesquels pourraient se fourvoyer les islamistes ou un parti potiche, sous-fifre des Français voir des Israeliens selon le niveau de paranoia.

Tebboune n’est pas l’homme providentiel. Pour personne. Mais on attend qu’il rassure. Il reste le Préfet, qui ne sciera jamais la branche qui l’a mise en place, à savoir l’Etat-parti FLN. Mais tel le Wali, tel un maire de bled, il sait dire oui à tout le monde. Il « entend » et « comprend » l’Hirak, il salue « les femmes » en tête des cortèges mais il ne change pas les structures du pouvoir pour autant. Un nombre important de journalistes reste en prison. Les flics usent toujours de la matraque.

Ne disposant plus de minorités ethniques sous la main, il a mis une dose plus forte de sociétale en augmentant le nombre de femmes au gouvernement, afin de passer pour un homme d’ouverture et de progrès. Le fameux « Je vous ai compris » avec un appareil auditif déréglé.

L’opposition partisane tente de se rassembler dans son auberge algéroise nommé « Plate-forme politique de l’alternative démocratique » mais aucun Ben Barka local n’a le charisme pour devenir le leader demain. Ni le Michel Debré pour écrire une vraie constitution digne de ce nom. Beaucoup de cris et une terrible cacophonie.

Mais personne n’est dupe, Tebboune n’a pas élu pour faire la révolution mais pour consolider le pouvoir, éviter une fragmentation de la nation. La Kabylie, d’habitude si bruyante est restée au diapason. L’heure est grave dans la région et ce n’est plus le moment d’entendre les jérémiades de ces mômes devant la Grande Poste. D’autant que cette situation repousse les investisseurs. Le cours du pétrole s’effondre, et ce pays né sur des mines d’or (pétrole, gaz, céréales, vergers…) devient progressivement un terrain miné. Les vraies réformes se font attendre, cela devient urgent… L’économie reste beaucoup trop dépendante du pétrole et les revenus sont estimés à 20 milliards cette année contre 34 milliards habituellement. Les réformes visant à diversifier des pans entiers de l’économie sont impératives.

Pour couronner le tout le plus grand pays d’Afrique est « mal entouré ». Ce qui renforce sa paranoïa. Et Tebboune doit encore et encore être très clair pour rassurer sa population. Il tente de se montrer conciliant mais ferme au niveau international. Il a critiqué la position turque en Libye et a calmé le jeu avec l’Ethiopie. Addis Abeba a exclu son ambassadeur après des heurts contre une Egypte prétendument alliée d’Ager. (Sur la question des eaux du Nil, notre Uber reviendra dans quelques semaines… promis). Le Mali est toujours au même point, la Tunisie peut toujours s’enflammer.

Enfin tout ne tient qu’à un fil.

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